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Etre enceinte après quarante ans

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INFORMATIONS PREALABLES ESSENTIELLES

Info n°1 : Je suis dans ma quarante-deuxième année et je suis enceinte de 8 mois.

Info n° 2 : J’attends mon 4ème du même père.

Info n°3 : C’est un bébé surprise.

Info n°4 : Ma première et ma dernière auront presque 17 ans d’écart.

Info n°5 : Je signe pour une 4ème césarienne.

En préambule, je tiens à remercier Tena, mon sponsor non officiel ainsi que, sur un autre plan, les stars (Madonna en premier lieu car j’ai toujours été fan) ayant ouvert une voie vers une meilleure acceptation des maternités tardives.

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Ca fait longtemps que ce billet me trottait dans la tête mais j’ai préféré attendre d’arriver au bout de ma grossesse. Effectivement, j’accouche dans cinq jours (et une brouette d’heures).
Quand j’ai appris le 26 juin 2014 (jour exact du terme de Mademoiselle Commandante) que j’étais enceinte, je suis tombée de pas très haut, du trône fraîcheur Airwick, mais je suis tombée quand même. Je n’avais même pas souvenir d’avoir eu une relation dans le mois, et par conséquent encore moins que le plastique à bite avait fait défaut. Ca a été un choc. Evidemment, ce n’est pas fleur bleue dit comme ça car ça ne l’est pas et ça sonne bien cru car ça l’est. Soit je dis la réalité, soit je la tais. Je n’allais pas emprunter quatre chemins pour dire une vérité qui a son importance. Ne pas se souvenir d’avoir été mise en cloque, ça perturbe, style héroïne dans « Neuf mois ferme ».
De plus, complètement décontenancée par mon âge avancé, j’ai fait des recherches Internet de toutes sortes à base des mots clefs « bébé », « quarante », « quarantaine », « grossesse », « enceinte », « vieille morue fertile ». J’avais besoin de me rassurer, de voir que je n’étais pas seule dans mon cas. C’est ce qui me décide à rédiger cet article. J’aimerais bien à mon tour faire part de mon expérience.

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J’ai eu un mal fou à annoncer ma grossesse, à en parler. J’avais envie de la garder secrète pour moi, pour nous avec mon Légionnaire. J’étais aussi gênée parce que huit jours plus tôt peut-être, j’avais crié sur tous les toits qu’il fallait être com-plè-te-ment malade pour pondre un quatrième chiard. Après Légio, j’ai mis de suite au courant mon amie, cette grande malade.
Je m’inquiétais pour mon aînée, commençais à réaliser l’engagement envers un enfant, à réaliser qu’il fallait assurer sur certains points, notamment financièrement. Et même si j’avais toujours fait le maximum pour gagner le minimum, l’argent m’important peu, il faudrait payer, bientôt, très bientôt.
Puis trente-cinq ans d’élevage de mioches, allais-je m’en remettre ?!
Les garçons m’avaient épuisée, la reprise d’un travail à plein temps avant la fin de la première année du Petit Poilu associée à un déménagement en ville avait été particulièrement éprouvante. J’en avais marre des culs à torcher, des bagarres à gérer, de devoir être disponible dans la seconde après avoir été sollicitée toute la journée au boulot. Entre autres.
Elle était devenue bizarre ma vie, faite davantage de contraintes que de plaisirs, davantage de désillusions que d’espoirs. Lourde, pesante était ma vie.
Elle ne s’est pas allégée avec une nouvelle recrue dans le ventre, ma vie ; l’enfant-embryon a apporté une autre perspective, un renouveau, un possible. C’était ça la vie !

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A plus de quarante ans, avec déjà trois enfants et un caractère bien trempé, les autres réagissent différemment qu’avec une primipare le lait lui sortant des narines en appuyant dessus et qui accessoirement a peu de risques de trisomie 21 et moins de prédispositions à faire du diabète, de l’hypertension etc.
Les félicitations sont modérées quand ton annonce ne fait pas place à un grand blanc, on ne te donne plus de conseils, on s’aventure rarement à peloter ton abdomen, tu ne subis pas d’interrogatoire. Ca a un côté bénéfique et pourtant c’est comme si ton petit n’était pas reconnu, attendu.
J’en suis venue à regretter les remarques indélicates quoique bienveillantes de mes vingt-quatre printemps. Les gens ne nous veulent pas du mal ; ils sont maladroits… Finalement, ils sont touchants et ce sont les premiers à donner un espace dans notre monde à l’enfant à venir. Ils prennent un peu de lui, cet enfant appartenant plus à son époque qu’à sa mère.

Toutefois, j’ai été surprise, sans doute grâce à un entourage un peu bobo dont quelques copines ayant enfanté sur le tard, que l’on ne soulève pas l’histoire de mon âge (cela dit, c’était sans compter sur ma mère) et tout ce qui va bien (ou pas) avec.
Sans pour autant me ménager particulièrement malgré mes antécédents de menace d’accouchement prématuré et le nombre d’enfants à charge, le corps médical fut moins clément, surtout avec les risques d’anomalie chromosomique. J’avais un gamin différent en puissance dans la bedaine…
Pour la première fois, j’ai accepté un tri-test (pour rassurer mes proches ; ils ne m’ont du reste jamais rien demandé à ce sujet !), qui a donné de mauvais résultats. J’ai refusé tout net l’amniocentèse, ai dû parfois me justifier. Comme j’étais au clair, j’ai pas lâché le morceau. J’ai eu droit à une jolie échographie supplémentaire à 18 SA. J’ai énormément regretté cette prise de sang qui a duré deux minutes et m’a pourrie durant de longs mois. Je ne connais pas un seul parent, capable de partir sereinement avec l’idée de la possibilité d’un handicap pour son enfant, même s’il est prêt à assumer de garder l’enfant malgré tout. On rêve tous d’un enfant qui, de prime abord, saura facilement s’insérer dans la société, qui ne souffrira jamais du regard des autres, qui ne nous donnera pas trop de fil à retordre par sa différence. C’est un leurre mais on en rêve tous, de partir avec les bonnes cartes en main qui garantiraient un avenir tracé dans l’eau douce des longs fleuves tranquilles.
Sinon ma grossesse n’a pas été trop médicalisée, du moins pas plus que pour les autres. Les examens habituels en somme.

J’ai été en pleine forme (excepté les nausées et vomissements de départ que j’ai été ravie de connaître) ! Autant mes précédentes grossesses avaient été amorcées avec un décollement de l’oeuf, me vidaient, me donnaient des contractions précoces ; j’étais sous-tension, essoufflée, anémiée, alitée… Autant pour celle-ci j’ai seulement rencontré quelques coups de pompe ponctuels.

Psychologiquement, je l’ai trouvée très rude. Très très rude. Je me suis posé des questions de jeune maman, des questionnements d’une décontractée du bulbe repentie. Et est-ce que j’allais l’aimer autant que sa fratrie ? Et est-ce que je serais une bonne mère ?
J’avais peur de cette vie naissante. J’avais peur de la mort. Peur peur peur. De ne pas savoir la protéger en mon sein, cette dernière vie en moi. La peur s’est installée petit à petit, est montée en puissance, sournoise, tapie, prête à surgir n’importe quand, n’importe où, sans atteindre le stade de la pathologie.
Elle s’est évaporée, subitement, il y a une semaine. Exceptionnellement, je regardais un film banal dans l’après-midi, allongée sur mon canapé et paf, elle s’est enfuie, sans crier gare. Adieu, l’angoisse ! Bonjour, la zénitude !

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C’est le roman d’une femme qui est sur le point d’accoucher, qui a fait le choix définitif de ne plus avoir d’enfants en profitant de sa césarienne pour se faire ligaturer les trompes et dont le choix lui donne un sentiment de liberté incroyable.
C’est le roman d’une femme qui a été huit fois enceinte, qui aura fait quatre fausses couches et eu quatre grossesses, qui est restée avec une enfant unique pendant dix ans et qui a eu la chance d’en avoir trois autres inespérés.
C’est le roman d’une femme, d’une femme quelconque, dans une vie quelconque où tout lui paraît assez extraordinaire.