Deuxième défi de femme enceinte du mercredi : le vieux cinéma de province

(Et c’est méga nul)

Après avoir planqué ma zézette miteuse dans un slibard élimé, je déclare à la troupe que cet après-midi c’est sortie ! Mon Légionnaire a fini de poser les joints du carrelage de la chambre, je lui autorise une petite récompense, lui qui trouve que le cinéma s’est arrêté au plus tôt avec l’avènement du parlant, au plus tard avec la mort d’Orson Welles : nous irons voir Megamind à Ventou. Ohé, pour moi aussi c’est pas drôle, je préfère un bon Miyazaki, moi ! Mais on a les programmes qu’on peut un mercredi après-midi avec deux salles en fonction dans le département.

Mademoiselle Commandante a l’air plutôt jouasse.

« Hum, j’espère quand même que je vais pas…

– Que tu vas pas perdre les eaux, maman ?

– Ben non ! Que je vais pas avoir envie de pisser toutes les cinq minutes comme hier soir !

– Ben je sais pas, moi ! La dernière fois qu’on est allés au cinoche à Ventou, t’as accouché. »

Effectivement, il y a trois ans et des poussières, une heure après être rentrés au Q.G., le bouchon muqueux explosait.

Je dois vaincre cette fois la malédiction de l’expédition en salle obscure. C’est-à-dire que nous allons non seulement essayer de retenir notre vessie sans inonder le protège-slip mais aussi de maintenir le foetus bien serré entre nos côtes.

14h00, nous nous engouffrons dans la Jeep Sikings. Douze jours, pensè-je… Je dois parvenir jusqu’à huit mois et il me reste douze jours.

« Aaaaah ahh !!! Haaaaannn !!!

– T’as une contraction ?

– Aaaaaaahhh ! Plus lentement, Légio, va plus lentement !!! Haaannn !!!

– Si je vais plus lentement, on sentira davantage les vibrations…

– Ok, arrête-toi alors ! Haaaannn !!! »

Donc Légio poursuit sa route.

Ce putain d’utérus doit comprendre que je n’accoucherai pas par les voies naturelles (NDLR : Je mets un lien explicatif avant que tu me sortes une connerie) et qu’il est inutile de me torturer en s’entraînant plus longtemps. Que le faux travail tous les jours, j’en ai ma claque. Il bouge pas ce col !!! Il est boutonné jusqu’en haut parce que je suis une fille sage, que je sais même pas comment j’ai fait pour être enceinte trois fois ! Que dans le silence du clair de lune, mon Légionnaire m’appelle amoureusement « Ma petite Marie », « Oh oui petite Marie, pompe mon Jésus mais vas-y pompe ! C’est bon pour la gorge, le jus d’homme ! ». Il est gentil mon Légionnaire.

« Haaaaan !!! », je souffle (petit chien, penser petit chien).

« Ca va, chérie ?

– Wouf wouf ! »

Nous arrivons à Ventou et nous garons au grand parking, à quatre-vingt mètres du cinoche. Je me déplace difficilement, genoux en flexion, bassin en avant, gros cul malgré tout toujours en arrière. Si une ambulance passe, elle m’embarque pour la mater, c’est clair.

« Moins vite, allez moins vite !!! J’arrive pas à vous suivre !

– Faut que je retire de l’argent, Chérie.

– Ok, toi tu vas avec le Grognard au distributeur et avec la Fräulein, on t’attend devant le ciné. »

[…]

« Moins vite, Fräulein, moins vite !!! »

Chuis un boulet et chuis pas canon.

Tout à coup, j’aperçois un bus. Un bus rempli de trente mioches hurlant  qui stoppe devant le cinéma.

« Plus vite, Fräulein, plus vite !!! »

Dans une tentative désespérée, je fais le bébé canard sauvage ne sachant voler qui court, titubant sur ses deux pattes, après sa maman.

« Vite Fräulein, vite !!!

– Maman, me dis pas qu’il vont…

– Ben si… Dégrouille-toi ! Mais qu’est-ce qu’il fout ton père, merde !!! »

Je manque de me manger la porte vitrée et entre dans la demeure des frères Lumière, suivie de ma donzelle.

« Grillés, les monos ! Dans votre face, ah ah ah !!! »

Je vois au coin de la rue Légio avancer, le Grognard sur les épaules, d’un pas lent.

« Oui, bonjour. Ce sera ?

– Oui… Euh… Deux adultes, une ado et un enfant d’un peu plus de trois ans… Euh… Je connais pas les tarifs… »

Légio, bon sang, mais dépêche-toi ! Va bientôt falloir que je règle, moi ! Ah, te voilà ! Je lève le nez et remarque la pancarte : « Entrée gratuite pour les moins de trois ans ». Ca tombe bien vu que le cinéma est paraît-il interdit aux moins de trois ans… N’empêche, il fait chier ce Grognard à grandir trop vite.

 » Vingt euros s’il vous plaît !

– Voilà. Euh… dites, pour être à proximité des toilettes, faut mieux s’installer dans la salle à l’étage ou dans la salle du bas. J’aurai certainement besoin de m’y rendre pendant le film… »

Mais qu’est-ce que j’ai à raconter mes histoires d’incontinence à la caissière, moi ???

« Salle du haut. Les toilettes sont en haut. »

Je mate l’escalier, j’ai envie de pleurer.

« Haaaaan !!! Hannnn !!!

– Allez, chérie !

– Allez, courage maman, on y est presque ! »

Génial, la salle est vide.

« Légio, pas loin de l’allée et pas loin de la sortie vers les chiottes steuplé.

– Ca va, là ? T’es quand même assez centrée ?

– Ouais, c’est bon. »

Je prends place sur le siège. La Nouvelle Recrue me remonte jusque dans la gorge, mes cuisses sont littéralement engoncées dans les accoudoirs.  J’essaie de prendre mes aises avec la pause du vieux au soleil, jambes écartées, qui se gratte les couilles.

« Regarde, Légio, j’ai le cul bloqué, hi hi hi ! »

Faut bien rigoler, hein !

Les voilà. Les trente morveux du centre aéré débarquent. « Et ouais, y avait une chance sur deux… », déclare mon Légionnaire.

Mais bien sûr qu’on aime les gosses enfin ! En laisse et au chenil.

Première pause pissouille avant le démarrage du film. C’est pas large dis donc… Ah ben z’allaient pas construire des chiottes pour handicapés à l’étage sans ascenseur !

Trois gouttes plus tard, je serre à nouveau mon fessier contre les accoudoirs et poursuis mon grattage de burnes, les genoux collés au siège de la rangée inférieure.

Tadam, Megamind commence !

Rapidement, la Nouvelle Recrue s’excite, pieds dans l’estomac (aïe !), bras dans la vessie (Pipiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!).

« Légio, je reviens… »

Pas de réponse.

Dans le noir complet, ne pas faire pirouette cacahuète dans les escaliers. Mission accomplie.

« Haaaaan !!! Haaaaan !!! »

J’allume l’interrupteur du WC.

SCLATCH ! Je viens de me coincer le ventre dans la porte. JE VIENS DE ME COINCER LE VENTRE DANS LA PORTE ! Moment de solitude sous le poids de la douleur physique et morale. Je parviens à me dégager et faire mes besoins.

Dans le noir complet, toujours ne pas faire pirouette cacahuète dans les escaliers. Mission re-accomplie.

« Haaaaan !!! Aaaahhh !!! »

Mal. Mal. Mal.

Avant de m’assoir, malgré la douleur, je jette un oeil attendri sur les miens pour contempler leur bonheur. Légio pionce du sommeil du juste, le Grognard comate contre lui, Mademoiselle Commandante baille d’ennui…

Edit : je me relis et note que j’ai écrit spontanément « Enceinte trois fois ». Je crois que j’ai enfin digéré mes fausses-couches. 🙂

21 commentaires sur « Deuxième défi de femme enceinte du mercredi : le vieux cinéma de province »

  1. « Mais bien sûr qu’on aime les gosses enfin ! En laisse et au chenil. » J’ADORE !
    Homme et enfants (les grands) y sont allés il y a qq semaines, ça leur avait plu…
    Visiblement, j’ai bien fait de garder mon Toupeti alors 😉

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  2. Vu comme ça je préfère me passer de ciné…! j’adore le ciné mais pas à tout prix!
    Quelque part ça m’étonne moyen que tu n’aies pas aimé ;-), nous on a aimé mais j’aurais pas emmené ma fille le voir avant cette année, donc 5 ans…
    t’as pas choisi la bonne photo ou c’est exprès 😉

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  3. quelle expérience!

    Enfin, je dis ça mais moi, je fais toujours trois tours au toilettes avant chaque séance. Pour être sur. (Inutile de dire que je vais au cinéma 2 fois par semaine)(ça fait beaucoup de pipi)

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