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Mon ado est Charlie

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C’est Mademoiselle Commandante qui m’a appris hier à 17h45 la terrible nouvelle.

« Y a eu une attaque sur un Charlie…. » et elle a écorché le nom suivant, sans savoir qu’il s’agissait de celui d’un journal. Moi j’ai de suite compris mais sans bien réaliser pour autant, moitié amusée par sa petite bourde, moitié abasourdie.

C’est en nous précipitant dans le salon pour en informer mon Légionnaire « C’est moi qui lui dis, maman ! », insista la Fräulein, fière pour une fois de détenir un scoop (je lui souffle toujours les news sur Nabilla), et que nous avons trouvé celui-ci hébété devant la page du Monde sur laquelle s’étalaient des mots comme Cabu et Wolinski. Mon enfance venait d’être torpillée. Le nez de Dorothée et les dessins grivois avec lesquels on cherchait à se rincer l’oeil.

Nous avons beaucoup discuté Mademoiselle Commandante et moi ce matin, sur ce qu’il s’était passé, ce que cela pouvait signifier, sur les conséquences éventuelles et on s’est vite retrouvées à diverger sur l’école et l’éducation. On s’est arrêtées parce qu’on avait changé de cap en cours de route et puis pas tant que ça. On s’est dit que c’était la base.
On était d’accord que ne pas être d’accord c’était bien, que nos réflexions se nourrissent des avis divergents, que la pensée unique même s’il s’agit de la nôtre, ça n’aide pas à progresser. On a philosophé de comptoir. On avait besoin de parler.

On est revenues sur les rassemblements spontanés qui ont fait suite aux évènements de la veille. On a évoqué le fait que ça aurait pu mal tourner.  Comment ne pas y penser. Elle m’a demandé si elle pouvait se rendre à celui prévu ce soir. J’ai accepté. Non sans un pincement toutefois sûre de mon choix, de son choix.

Elle a été fière de voir son père aller au bahut avec un badge « Je suis Charlie », réfléchi sur les slogans existants, sur ceux qu’elle pourrait trouver d’elle-même. Des rires ont fusé. Oui, on a ri parce que tout paraissait absurde au regard de l’horreur passée et que les maximes kitsch des ados ressemblent toujours un peu à des « Plus qu’hier et moins que demain ».

Après quelques essais infructueux où elle se regardait devant la glace sa pancarte à la main comme si elle essayait un sac soldé dans une boutique pour voir comment il rend sur elle (ce qui ne manqua pas de me faire sourire également), elle est revenue à du « basique », plus motivée, plus consciente que jamais.

Elle a écrit, a colorié avec application, a tenté de donner trois yeux à la Nouvelle Recrue avec ses stylos feutres à l’odeur asphyxiante et probablement hautement toxique.

Elle est prête pour tout à l’heure. Sans doute pas prête à préférer mourir debout que vivre à genoux mais prête à être debout, vivante, dans l’action. Prête à dire non.